OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Sous-traitants, “sacrifiés du nucléaire” http://owni.fr/2011/04/04/sous-traitants-sacrifies-du-nucleaire/ http://owni.fr/2011/04/04/sous-traitants-sacrifies-du-nucleaire/#comments Mon, 04 Apr 2011 16:10:18 +0000 Elsa Fayner http://owni.fr/?p=54609 Ils sont près de 30 000 en France, des intérimaires qui travaillent pour des entreprises prestataires. Car aujourd’hui, les sous-traitants assurent 80% des activités de maintenance des centrales, contre 50% au début des années 90. Pendant que les durées d’intervention ont été réduites par deux, pour effectuer toujours les mêmes tâches. Résultat : les nomades passent de plus en plus vite de centrale en centrale.

La relève n’est plus assurée

D’autant plus que, depuis 2005, le personnel vient à manquer. Après plus de vingt ans de traversée du désert, le nucléaire français retrouve des couleurs, mais s’inquiète : les pionniers du nucléaire partent à la retraite et la jeune génération ne souhaite pas prendre la relève. Trop pénible. Alors, les mêmes intérimaires tournent sans relâche et leurs conditions de vie se dégradent au fur et à mesure.

Leur maison : un camping-car

Au pied du château de Chinon, le camping ne désemplit pas. Les propriétaires locaux leur louent de leur côté un bout de champ, une caravane ou un mobile home, parfois une pièce, à côté de leur belle demeure ou dans la cour de la ferme.
L’Office du tourisme répartit les offres. Pendant que les vendeurs de kebabs, les laveries et les magasins fleurissent sur leur passage. Le soir, les intérimaires se retrouvent au bar, animant les petites villes en déclin. Parfois, ils retournent à la centrale de nuit, pour optimiser leur présence. Dormir quelques heures, entre deux interventions, dans les vestiaires.

80% des doses d’irradiation pour les intérimaires

Ces travailleurs, dits « extérieurs », effectuent l’essentiel des tâches de maintenance des centrales et supportent plus de 80% de la dose collective annuelle d’irradiation reçue dans le parc nucléaire français.

Alors, ils sous-déclarent leurs expositions aux radiations : les intérimaires ayant atteint la dose limite se voient interdits d’entrée en centrale. C’est leur moyen de préserver leur travail. Pas leur santé.

Pour limiter les dégâts, ils s’échangent conseils et recommandations. Le soir, au bistrot, ou à l’heure de l’apéro au camping, quand sortent les grandes tablées, ils ne parlent que de ça. De la centrale de Gravelines, où il faut faire attention à tel tuyau, à tel boulon. De celle de Tricastin, où l’omerta règne, mais dont certaines salles sont particulièrement dangereuses. C’est au comptoir que s’échangent les expériences, les savoir-faire, le métier, leur passion qui les ronge. De mars à octobre, chaque année, la période pendant laquelle la maintenance des centrales doit être effectuée.

L’hiver pour se soigner

L’hiver, ils se retrouvent en famille, et souvent au chômage. Certains redeviennent boulanger, commerçant, ouvrier. Quand d’autres se sont spécialisés dans le risque, et passent l’hiver dans la pétrochimie ou le déflocage de l’amiante.
Dans tous les cas, les problèmes de santé les rattrapent vite : troubles du sommeil, anxiété, leucémies, cancers, et tentatives de suicide. Depuis 1995, les syndicats sont en alerte. Cette année-là, cinq suicides de travailleurs extérieurs ont été enregistrés à la centrale de Chinon. Depuis, les tentatives se sont succédées. Autre signe : en 2003, la mutuelle de la centrale de Paluel (Seine-Maritime) remarque que 80% des feuilles d’assurance-maladie traitées prescrivent des calmants.

Billet initialement publié sur le blog d’Elsa Fayner, “Et voilà le Travail

À lire aussi sur le même sujet :

« Nous qui travaillons en zone à risques, notre crainte, c’est de rester enfermés dans la centrale », témoignage d’un sous-traitant du nucléaire

« Je me souviens d’un gars qui s’est exposé aux radiations pour préserver la sécurité de la centrale »

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Une Marion Boucharlat

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Retraite: accident du travail, maladie professionnelle, quel droit ? http://owni.fr/2010/10/19/retraite-accident-du-travail-maladie-professionnelle-penibilite/ http://owni.fr/2010/10/19/retraite-accident-du-travail-maladie-professionnelle-penibilite/#comments Tue, 19 Oct 2010 08:50:51 +0000 Sabine Blanc http://owni.fr/?p=31529 Selon le texte de loi soutenu par la majorité, pour pouvoir prétendre à une retraite à taux plein à 60 ans, un travailleur devra présenter un taux d’incapacité permanente partielle (IP) supérieur à 20%. Un amendement du gouvernement dispose que l’assuré pourra y prétendre aussi entre 10 et 20% sous réserve « que l’assuré ait été exposé, pendant un nombre d’années déterminé par décret, à un ou plusieurs facteurs de risques professionnels mentionnés à l’article L. 4121-3-1 du code du travail. » En l’occurrence, ces facteurs sont « liés à des contraintes physiques marquées, à un environnement physique agressif ou à certains rythmes de travail, susceptibles de laisser des traces durables identifiables et irréversibles sur la santé ». Une commission pluridisciplinaire validera au cas par cas «les modes de preuve apportés par l’assuré et d’apprécier l’effectivité du lien entre l’incapacité permanente et l’exposition aux facteurs de risques professionnels. »

Les taux d’IP attribués en accident de travail ou en maladie professionnelle, sont évalués par les médecins-conseils de l’Assurance Maladie, selon un barème indicatif (Accidents du Travail – Maladies Professionnelles). Certaines maladies professionnelles nécessitent, pour leur reconnaissance, que l’assuré ait été exposé au risque pendant un temps minimum (durée d’exposition) ; de plus, la demande de reconnaissance ne peut pas intervenir au-delà d’un délai après que l’assuré a cessé d’être exposé à ce risque (délai de prise en charge).

Avec l’aide du docteur Xavier Bourhis, médecin-conseil à l’Assurance Maladie, OWNI a essayé de vous montrer de façon un peu plus concrète à quoi correspondent ces tableaux très techniques, en vous donnant des exemples d’IP selon les seuils-clés de la réforme. Nous avons aussi abordé le cas des pathologies qui peuvent se déclarer après le départ à la retraite. Il arrive en effet qu’un salarié ne présente aucune affection durant son activité professionnelle et que les premiers symptômes apparaissent à un âge plus avancé, parfois « du jour au lendemain », nous a expliqué le Dr Bourhis.

Ces maladies, même si elles peuvent être prises en charge au titre des maladies professionnelles, aboutissent de fait à des inégalités devant la retraite. Un cancer, même reconnu d’origine professionnelle et à ce titre indemnisé, diminue votre qualité de vie, voire votre espérance de vie tout court, et donc votre temps de retraite. On lira à ce titre cette étude de l’INED, pointée par Le Canard enchaînée du 29 septembre 2010, éloquemment intitulée «La double peine des ouvriers’ : plus d’années d’incapacité au sein d’une vie plus courte.» [PDF]

« Le projet du gouvernement confond deux problèmes, résume Florence Toureille, présidente du SNPdos / CFDT : l’incapacité permanente de travail liée à un accident au travail et celles liés aux conditions de travail. Les 10% ne changent rien, ce pourrait être 2%.» Et au final, ce sont les mêmes personnes qui sont doublement pénalisées : ceux qui ont commencé tôt un travail pénible. Elle craint aussi un double examen pour que les salariés puissent continuer de bénéficier de la retraite à taux plein à 60 ans. Actuellement, il faut être déclaré inapte au travail suite à un examen médical du médecin-conseil pour y avoir droit.

On rajoutera aussi que le flou plane sur la composition de cette commission et son cadre de travail : «Une commission pluridisciplinaire territoriale sera chargée d’attester cette exposition ainsi que le lien entre celle-ci et l’incapacité », indique laconiquement le gouvernement. «Est-ce que le barème de la sécurité sociale s’appliquera ?, s’interroge Florence Toureille, ou celui de droit commun, plus sévère ?» Dans l’ensemble, elle «doute que les directives soient favorables.» Et vu l’enjeu financier, – d’après les chiffres du gouvernement, on passerait de 10.000 à 30.000 travailleurs concernés par an -, ce doute peut sembler légitime. On rajoutera pour le contexte que la tendance est à une baisse des accidents du travail (-7,5% de 2008 à 2009) et à une augmentation du nombre de maladies professionnelles (+8% sur la même période), selon le rapport de l’Assurance Maladie-Risques Professionnels [PDF].

D’aucuns envisagent de fixer l’âge du départ à la retraite en fonction de l’espérance de vie par métier. L’Andeva (Association nationale de défense des victimes de l’amiante) et le FNATH (Association des handicapés de la vie) proposent ainsi que les ouvriers exposés à des produits dangereux aient une retraite anticipée. En septembre, la vice-présidente socialiste de la commission des finances, Raymonde Le Texier, a assuré que le PS comptait « se battre sur la pénibilité », pour essayer de revenir à une prise en compte par branche et non plus individuelle. Alors que le débat se poursuit au Sénat, les différents partenaires sociaux avancent leurs solutions.

L’exercice d’OWNI a ses limites : il ne s’agit bien entendu que d’exemples. En effet, comme l’a souligné à plusieurs reprises le docteur Bourhis, « il est impossible d’attribuer un taux d’IP automatique en fonction du seul diagnostic, d’où le rôle du médecin-conseil, sinon un ordinateur suffirait.» Au cas par cas, c’est le médecin-conseil qui fixe le taux d’ IP, en fonction notamment de son examen clinique, des résultats des examens complémentaires et dans certains cas d’antécédents médicaux ou chirurgicaux du patient. Il est strictement impossible de faire des équations du type x années de travail de peintre en bâtiment =  x % de taux d’IP.

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Poster réalisé par Marion Boucharlat

Illustrations CC FlickR par dorena-wm, idlphoto

Retrouvez le dossier intégral d’OWNI sur les mobilisations de ces dernier jours

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