Mission impossible car débattre à la télévision, sans le talent d’un Jacques Chancel et sans endormir les foules et ne réduire l’audience qu’à une poignée de spécialistes est devenue presque plus difficile qu’à Tom Cruise de nous faire oublier ses idées philosophiques, lorsqu’il saute d’un avion sans parachute.Mais en voyant le casting … l’affaire tenait au grotesque et s’averait surtout un piège. Piège que l’on a très vite compris, dès le premier reportage, très bien orienté, présentant le sujet à charge.
La baseline de l’émission de Taddei est “l’actualité vu par la culture” (ENORME) et pour se faire, il avait invité, outre Benjamin, deux des grands spécialistes du sujet, aux déclarations souvent fracassantes culturelles :
Je ne vais pas relever tous les quotients d’émotions négatives, chargés de faire pleurer la veuve et l’orphelin, toutes les ficelles de la communication utilisées, toutes les aberrations, tous les amalgames, toutes les contradictions, d’un Séguéla visiblement briffé par ses équipes, pour dire moins de bêtises que d’habitude. (ici et là)
Non, je vais juste m’astreindre à expliquer ce que j’aurais aimé voir dans une émission que j’aurais pu regarder, jusqu’au bout, avec plaisir. Une émission qui aurait participée à me faire passer une bonne nuit, plutôt que de m’empêcher de dormir, jusqu’à la décision d’écrire ce billet.
1/ J’aurais aimé un reportage introductif permettant de COMPRENDRE ce qu’est l’Internet et de faire la différence entre ce réseau de flux et les sites web, qui n’en composent qu’une facette.
Cela a été trop rapidement évoqué par un des invités lorsqu’il a dit qu’en greffant une mémoire à l’Internet, on avait supprimé (diminué ?) sa nature de flux. Hors justement, il fallait aller plus loin. La “mémoire” de l’Internet, est-ce encore de l’Internet ?A quels conditions ?
Souvenez-vous ce que disait Vinton Cerf : “if it’s not open, it isn’t the Internet”. (NDLR : OK, Vinton est passé chez UUnet / MCI, Microsoft et il est maintenant chez … Google. Cela n’empêche pas la personne d’être intelligent et jusqu’à preuve du contraire resté fidèle à ses valeurs !)
Il y a ici un point clé qu’il faut connaître et comprendre avant de parler de régulation et de quoi que ce soit d’ailleurs au sujet de l’Internet.
2/ J’aurais aimé voir un reportage pour comprendre qui étaient les interlocuteurs et en quoi ils étaient pertinents.
Cela aurait permis de cerner les personnalités des uns et des autres et surtout d’éviter aux deux trolleurs en chef, précédemment cités, de nous faire la scène du 15. Même Séguéla y est allé de son reniement en disant qu’il n’avait pas dit que l’Internet “était la pire saloperie inventée par l’homme”. Heureusement, le numérique a de la mémoire. Ceci dit, il y a eu tellement d’énormités, (“un journaliste ne publie pas n’importe quoi dans un journal”. sic),même pas relevé par “la culture”, que l’on ne peut que rire et s’inquiéter de la présentation de sujets que l’on connait moins bien.
3/ j’aurais aimé que l’on définisse sérieusement et concrètement ce que veut dire REGULER
Je vous engage à lire la définition que l’on peut trouver dans Wikipedia.
Et OBJECTIVEMENT, qui peut dire qu’il ne faut pas réguler et surtout qui peut dire que l’Internet n’est pas régulé ?
L’Internet est régulé depuis la nuit des temps pour le maintenir en condition opérationnelle et en état d’interopérabilité permanente.
L’Internet est régulé par les opérateurs eux-mêmes qui prennent des mesures techniques pour empêcher de trop grosses catastrophes.
L’Internet est régulé par le principe du “best effort” qui est une valeur qui tire vers le haut en impliquant le maximum de monde au bénéfice collectif et à la gestion de ressources communes.
L’Internet est “régulé” par des “valeurs” qui sont peut être d’un autre âge pour certains mais qui concernent un grand nombre d’entre nous. Des règles que j’ai déjà maintes fois rappelées et que vous trouverez ici.
C’est certain que je n’aime pas la définition suivante, qui me semble trop proche de la compréhension de Monsieur Lefebvre :
La régulation des procédés industriels regroupe l’ensemble des moyens matériels et techniques mis en œuvre pour maintenir une grandeur physique à régler, égale à une valeur désirée, appeléeconsigne.
Mais je trouve cette définition suivante intéressante, même si elle n’est pas forcément très en phase avec le rôle d’un opérateur, que je décrivais par le passé : “être électriquement le plus neutre possible et faire de son mieux pour qu’un paquet entrant dans son réseau en ressorte le plus vite possible, le moins modifié possible” :
Dans une définition correspondant aux transport ou a la logistique, la régulation désigne les techniques permettant d’organiser les flux de marchandises, de voyageurs, de véhicules, de manière optimale, et, lorsque cela est possible conformément a un plan prévu a l’avance. Elle se rapproche alors de la définition industrielle du terme: détecter les non conformités (retard, bouchons, pannes incidents de toute sorte altérant le déroulement du plan de transport) et ramener la situation a la normale, a ce qui est conforme au plan, le plus vite et avec le moins de conséquences possibles.
On pourrait débattre longtemps de cette dernière notion car elle implique une certaine “intelligence” dans le réseau, alors qu’habituellement, les solutions Internet sont plus diffuses et l’intelligence de contrôle y est plus décentralisé. Mais c’est juste une illustration, pour mieux expliquer pourquoi, à mon sens avant de répondre à la question “Faut-il réguler l’Internet”, il faudrait déjà commencer à définir la notion de ce mot.
Il ne sert à rien de mettre des gens devant une caméra pour discuter d’un sujet où chacun ne s’entend même pas sur le sens du débat.
La notion de REGULER de Monsieur Lefebvre n’a rien à voir avec cette de Monsieur Séguéla et c’est encore autre chose pour Monsieur Google et je ne parle même pas de Benjamin ;-)
Mais cela, c’est une autre histoire … et cela mériterait un autre débat, qui ferait sans doute audience et à coup sûr avancer la compréhension du sujet, comme la marche du siècle en 1996, avec toutes ses imperfections, l’avait fait en son temps.
Et enfin, j’aurais aimé avoir un débat, dans la sérénité et non dans l’indignation cathodique. Ses faux atermoiements finissent par fatiguer et Séguéla n’a plus le talent ou la capacité à égaler les Verges et Collardd’antan … arrêtons la télé spectacle et allons un peu au fond des choses svp. Je pensais que c’était le sujet sur nos chaines publiques.
En attendant, jugez vous même … une pierre de plus dans la déconstruction médiatique d’un Monsieur que l’on aimait bien et qui avait presque réussi à nous faire croire que Citroen fabriquait des voitures de sport.
Trop fort, je vous dis.
Mais Jacques, s’il te plaît, trouve un autre cheval de bataille ou retourne à l’écriture de livres car l’Internet est un sujet trop sérieux pour te le laisser malmener ainsi. L’Internet est un sujet qui nécessite que l’on réunisse et que l’on construise, pas que l’on reste dans la polémique stérile et dans l’opposition systématique.
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« Sur Internet, personne ne sait que vous êtes un chien », dit l’adage. Mais, paradoxalement, personne n’a oublié que vous arrachiez les ailes des mouches quand vous aviez huit ans. Une erreur de jeunesse comme nous en avons tous commises, sauf peut-être les tapettes, mais qui vous suivra toute votre vie.
Cette dichotomie mammifère / diptère joue en défaveur de la présomption d’innocence et abolit toute confiance en la bonté intrinsèque du genre humain en général et du personnage public français en particulier.
Les plus grands penseurs de notre temps en sont conscients : Jacques Séguéla ou Jean-François Copé et Henri Guaino ne disent pas autre chose quand ils qualifient internet de saloperie ou de zone de non-droit.
Nathalie Kosciusko-Morizet non plus quand elle milite en faveur d’un droit à l’oubli, qui permettrait en outre de libérer plusieurs téra-octets sur les serveurs de Dailymotion quand arriveront les tours de Frédéric Lefebvre et Christian Vanneste.
Internet n’était pas censé héberger des archivistes obsédés par le mois de novembre 1989 et l’agenda du président de la République. Pas plus qu’il ne devait devenir un forum d’apprentis constitutionnalistes européens pinailleurs ou se substituer à la structure RH de prestigieux établissements publics alto-séquanais.
Internet devait être un megamall bien éclairé, sécurisé et fourni en produits très colorés. Avec des annonces positives qui sortent des haut-parleurs. Et une voiture à gagner tous les jours.
Ce qu’il est, pour l’essentiel, mais les casseurs et emmerdeurs de tout poil rôdent près du portail en bois du fond : Rezo.net.
Ce Portail des Copains est malheureusement une nébuleuse insaisissable. Si Rezo.net existe bien en tant que lieu, celui-ci est creux et n’est qu’une caisse de résonance pour les déviances d’individus domiciliés ailleurs, ce qui rend impossible toute tentative de décapiter proprement le web anarcho-autonome francophone.
Les autorités l’ont appris à leurs dépens il y a quelques années en tentant de démanteler le portail au cours d’une vaste manœuvre policière. Si l’opération a pu un temps sembler être couronnée de succès, la victoire n’a été que temporaire et les terroristes se sont bien vite adaptés. Certes, Pierre Lazuly passe aujourd’hui plus de temps à taquiner le bar que la muse et Rezo référence parfois le journal de Laurent Joffrin, mais il ne s’agit que d’arbrisseaux qui cachent la jongle conradienne.
On a cru un instant que la révolution des usages d’internet survenue avec l’avènement des réseaux sociaux allait bouleverser la donne et détourner les lecteurs innocents de la propagande véhiculée par Rezo, en plus qu’ils allaient fournir des données comportementales de première bourre pour affiner une relation 360 avec le prospect.
Il n’a malheureusement pas fallu longtemps pour que les cerveaux du portail réagissent et sortent leur propre réseau social sans publicité et peuplé de per.sonn.es imaginaires.
Bien entendu, cela a fait pleurer les spécialistes du marketing 360, qui commencent à se poser des questions sur l’authenticité des per.sonn.es présentes sur Facebook. Il pourrait après tout bien s’agir de chiens.
En attendant de trouver un moyen imparable d’interdire les malfaisants, les acteurs officiels du net se résignent à coopter les trouble-fêtes.
La gratuité du système Rezo ne saurait faire long feu face à cette reprise en main rémunérée : on observe une migration de blogueurs qui naguère se plastronnaient d’intégrité vers diverses entreprises de conseil ou initiatives partisanes. D’autres se mettent au billet sponsorisé. D’autres encore assurent qu’ils vont voter DSK.
Il y aura un Rezo.net que tant qu’il restera des blogueurs déplaisants ou des journalistes ingrats, mais un internet propre est possible si chacun le désire assez.
Vous savez ce qu’il vous reste à faire.
“Ce n’est plus possible : le lycée Paul-Eluard de Compiègne…”, commence simplement la lettre. Mais la suite reprend in extenso le contenu de la pétition qu’avait organisé notre confrère SVM contre la loi Hadopi, qui avait recueilli plus de 55.000 signatures.
Une blague d’un jeune stagiaire ?
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Article diffusé sous licence Creative Common by-nc-nd 2.0, écrit par Guillaume Champeau pour Numerama.com
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> MAJ : la vidéo de présentation des créateurs de possible est visible sur le site de l’Express.
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