OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 CSA-Arcep, la fusion dans le frigo http://owni.fr/2012/11/22/csa-arcep-la-fusion-dans-le-frigo/ http://owni.fr/2012/11/22/csa-arcep-la-fusion-dans-le-frigo/#comments Thu, 22 Nov 2012 10:43:25 +0000 Andréa Fradin http://owni.fr/?p=126487

On va pas se mentir : depuis le début, ça sentait le roussi. Trop complexe, trop politique et soumis à un calendrier serré, le projet de rapprochement des gendarmes des telecoms (Arcep) et de l’audiovisuel (CSA) devrait accoucher d’une souris.

Internet en fusion

Internet en fusion

En lançant une réflexion sur le "rapprochement" de l'Arcep et du CSA, le gouvernement ressuscite un serpent de mer qui ...

Selon Les Échos, l’idée d’une fusion pure et simple des deux autorités serait “exclue” car “prématurée”. A la place, “un rapprochement progressif” serait privilégié. Le journal économique évoque la “mise en place d’une structure commune [...] composée de membres des deux Autorités, [...] créée par la loi et dotée d’une personnalité juridique”.

Selon nos informations, cette piste semble en effet se dessiner assez clairement du côté du gouvernement, même si rien n’est arbitré pour le moment. Si cette option est privilégiée, restent à François Hollande et Jean-Marc Ayrault de trancher. Et leurs positions ne sont pas encore claires sur le dossier.

Ce qui est sûr, c’est que le gouvernement veut aller vite. Il souhaite intégrer le nouveau visage de la régulation dans la loi sur l’audiovisuel, attendue en janvier prochain. Autant dire que le calendrier est ténu. Il oblige les ministres concernées, Fleur Pellerin (économie numérique) et Aurélie Filippetti (Culture) à rendre leurs avis dans les toutes prochaines semaines. Le calendrier devrait être respecté, à quelques jours près. Et le sort des autorités tranché très rapidement après la remise des rapports en question.

Cliquez sur l'image pour voir notre infographie /-)

Convergence sans conscience

Lancée en septembre dernier par Matignon, la réflexion est censée apporter une réponse à l’effacement progressif des frontières entre les terrains de jeu de l’Arcep et du CSA. Internet brouille les cartes de la régulation, films, séries et sons ayant pris depuis longtemps leurs quartiers en ligne, et ce bien avant l’avènement tant redouté de la télé connectée.

Une évolution s’impose donc. Tous les observateurs, réfractaires à une fusion-rapprochement-proximité des autorités y compris, s’accordent sur ce point. La méthode elle, risque de ne pas faire l’unanimité : l’expédition du dossier empêche en effet de répondre aux questions, nombreuses et amples, posées par un tel chantier.

Nouveaux mécanismes de financement de la culture ou bien encore la neutralité du Net : les points d’achoppement ne manquent pas. Surtout quand les avis sont aussi partagés : côté CSA, la régulation des contenus diffusés sur Internet est posée comme condition au rapprochement avec l’Arcep.

L’Arcep trolle le CSA

L’Arcep trolle le CSA

L'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (Arcep) est contre le projet de sa fusion avec le ...

“Le CSA, qui est l’un des principaux garants de l’exception culturelle, défend les intérêts de la création française et européenne dans le cadre de l’application du principe de neutralité”, affirmait le gardien du PAF dans son avis au gouvernement. A ce titre, il plaide pour l’instauration d’un “principe de préférence” culturel sur Internet. Discrimination à laquelle s’oppose l’Arcep, qu’elle juge contraire aux obligations européennes et “à la liberté de communication sur Internet”.

“L’adaptation des fondements et des objectifs de la régulation, notamment de la régulation audiovisuelle, constitue un préalable indispensable à une réforme institutionnelle et [...] celle-ci mérite d’être mûrement réfléchie”, écrivait le gendarme des télécoms dans un avis publié il y a un mois. Son souhait ne sera pas entendu. Ou du moins pas totalement.

Car le gouvernement ne se lance pas non plus à corps perdu dans une mise en branle expresse des deux autorités. Le scénario du pire, pointé par de nombreux observateurs, semble évité. Au bénéfice d’un moyen terme provisoire. Préférable mais qui laisse bon nombre d’interrogations en suspens.


Photo par XRayDeltaone (CC-BY-SA)

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Internet en fusion http://owni.fr/2012/09/03/internet-en-fusion/ http://owni.fr/2012/09/03/internet-en-fusion/#comments Mon, 03 Sep 2012 15:06:03 +0000 Andréa Fradin http://owni.fr/?p=119299

C’est le gros dossier de la rentrée. Ou merdier, c’est selon les versions : le rapprochement envisagé du CSA et de l’Arcep. Deux autorités, deux “gendarmes”, le premier de l’audiovisuel, le second des télécommunications, unies (ou presque) par les liens sacrés de l’Internet. Pour le meilleur et pour le pire.

[Voir notre infographie sur "Les autorités du Net"]

Olé, lé, télé connectée !

Officiellement, l’affaire est technique. Il s’agit de faire “face à la convergence des infrastructures numériques, des services et des contenus qu’elles acheminent, des réseaux et des services fixes et mobiles, et des terminaux à l’usage du public”, a expliqué un communiqué du Premier ministre Jean-Marc Ayrault en officialisant les proches fiançailles le 21 août dernier.

“A l’heure où les contenus audiovisuels sont de plus en plus diffusés par l’Internet fixe et mobile”, poursuit le chef du gouvernement, il semble indispensable de “s’interroger sur l’efficacité des modes de régulation des communications électroniques et de l’audiovisuel”. Comprenez par là : de les assembler en un pack prêt à l’emploi.

C’est Arnaud Montebourg (redressement productif), Aurélie Filippetti (Culture) et Fleur Pellerin (économie numérique) qui seront chargés de formuler les propositions d’ici novembre prochain. Peu connues pour être sur la même longueur d’onde -reliquats de la présidentielle- les deux femmes semblent pourtant avoir accordé leur violon sur ce dossier. Elles n’ont qu’une seule et même expression aux lèvres : la “télé connectée”, dont l’arrivée imminente donnerait un caractère urgent à la fusion annoncée.

Hadopi en sursis

Hadopi en sursis

À la faveur de l'affaire Megaupload, l'opposition entre droits d'auteur et Internet s'est installée au nombre des sujets de ...

Si on a du mal à saisir le prétexte en vogue de la télé connectée, Internet n’ayant pas attendu les téléviseurs susnommés pour apparaître sur les TV (et vice-versa), l’idée d’une union CSA-Arcep n’est pas absurde. Elle n’est d’ailleurs pas nouvelle : nombre de parlementaires ont déjà proposé la fusion de ces deux autorités, comme le détaille Olivier Laurelli sur son blog. D’autres étaient aussi concernées par ces projets. CSA, Arcep, Cnil, Hadopi… Les autorités du Net se boulottent depuis longtemps déjà leur territoire : Internet n’est pas docile, et s’adapte mal aux desirata rigides des régulateurs (voir l’infographie).

Pour le moment, seuls le CSA et l’Arcep seraient directement concernés par la fusion -quoique, on y reviendra. Elle se justifie en particulier par l’érosion, au fil des années, du territoire du CSA.

Le Conseil est historiquement en charge de l’attribution des fréquences aux télévisions et aux radios. La révolution numérique, comme aiment encore à l’appeler les politiques, a rendu obsolète ces concepts de fréquences et de médias : télévisé ou radiophonique, tout contenu est désormais susceptible de circuler dans les tuyaux du Net. Le CSA l’a bien compris et tente d’élargir ses compétences : depuis 2009, il est par exemple en charge de la diffusion des programmes sur Internet – vidéo de rattrapage et à la demande.

Il n’empêche : le réseau remet en cause l’idée même du CSA, en foutant en l’air tout son modèle de régulation. On pourrait donc s’attendre à ce qu’il soit le parent pauvre de la fusion. Pour beaucoup c’est le cas : le rapprochement signe l’arrêt de mort de l’autorité. A en croire d’autres observateurs néanmoins, c’est l’Arcep qui est mis au pilori. Les piques à peine voilées du Premier ministre en sa direction n’y sont pas pour rien :

[...] les contenus diffusés via internet font l’objet d’une régulation plus limitée et parfois inadaptée.

Une petite phrase qui a officiellement lancé le jeu de dupes, dans lequel le CSA jubile et l’Arcep feint de n’y voir que du feu. Chacun se déclare bien sûr enchanté par l’initiative, mais de façon bien différente.

Les télécoms perdent toute autorité

Les télécoms perdent toute autorité

Hier matin, le régulateur des télécoms a tenu sa conférence de rentrée. L'occasion de poser les questions qui fâchent ...

“J’avais suggéré, le 26 juin, que la préparation d’une loi sur l’audiovisuel soit mise à profit pour engager une réflexion sur l’articulation entre le CSA et l’ARCEP. Je suis heureux que le Gouvernement ait décidé d’entreprendre sans tarder cette réflexion.” a déclaré Michel Boyon, le président du CSA qui n’hésite pas à s’attribuer l’initiative du mariage, quand l’Arcep n’y voit qu’une “évolution de la régulation de l’audiovisuel.” Évacuant au passage de son analyse l’idée pourtant essentielle de “rapprochement” des deux autorités.

“Une question à l’intérêt mineur”

Des œillères qui sont depuis longtemps vissées à la tête de l’Arcep. Le gendarme des télécoms ne s’est jamais montré emballé à l’idée de cohabiter avec le CSA. Son président Jean-Ludovic Silicani est d’ailleurs particulièrement chatouilleux sur le sujet. En mémoire, une prise de bec où le conseiller d’État nous avait expédié dans les cordes lors d’une conférence de presse en janvier 2012, commentant :

C’est une question à l’intérêt mineur.

Et d’expliquer que si le rapprochement du CSA et de l’Arcep était acté, il faudrait alors envisager la “fusion des ministères” en charge de la Culture et du numérique, ainsi que les lois et codes qui régissent ces secteurs. Dans le jargon, c’est ce qu’on appelle un troll : les ministres en question, Aurélie Filippetti et Fleur Pellerin, sauront apprécier.

Donner vie à ce serpent de mer de la régulation ressemblerait donc fort à un désaveu. En juin dernier déjà, moins d’un mois après son installation, Arnaud Montebourg s’en prenait violemment à l’Arcep, l’accusant d’avoir fait des choix politiques lors du lancement de Free Mobile. Si Jean-Ludovic Silicani est bel et bien l’homme à abattre, le gouvernement risque fort de trouver un allier de choix du côté des opérateurs.

“Ce soutien des opérateurs à la fusion me semble assez nouveau. J’ai le sentiment qu’il s’agit là bien plus d’une tactique politique que d’une démarche pragmatique, commente Édouard Barreiro de l’UFC Que Choisir. Le régulateur paie, assez injustement d’ailleurs, l’entrée de Free sur le marché [du mobile] et est ainsi désigné responsable des turbulences qu’ils traversent.”

Des mobiles et des hommes

Des mobiles et des hommes

Info, intox, expertises et boules puantes : la guerre fait rage autour de Free Mobile, quatrième opérateur lancé il y a ...

Martin Bouygues n’a d’ailleurs pas tardé à afficher son soutien à l’initiative gouvernementale, taclant l’action de l’Arcep dans le cas Free mobile, comme celle du CSA pour l’attribution de nouvelles chaînes de la TNT. Deux dossiers où les intérêts de l’entrepreneur français sont directement engagés.

Hadopi absorbée ?

Peu de chance donc que l’Arcep sorte indemne de ce mic-mac. Ni Internet d’ailleurs. Gros bonnets comme petites pointures.

Car au-delà des impératifs administratifs, et des revanches politiciennes, l’enjeu de la fusion CSA-Arcep semble bel et bien être la recherche, encore et toujours, de financement pour la création en France.

Ce n’est pas pour rien que Jean-Marc Ayrault a exigé que cette mission soit “coordonnée avec celle conduite par Pierre Lescure sur l’acte II de l’exception culturelle”. Choisi par François Hollande pour démêler l’embrouillamini Hadopi et culture-à-l-heure-du-numérique, l’avis de l’ancien président de Canal+ a été mis dans le même sac que celui de l’Arcep ou du CSA. Décision qui fait dire à certains observateurs qu’Hadopi sera aussi dissoute dans la fusion. Il faut dire que cette dernière partage avec le CSA ou même l’Arcep de nombreuses missions et réflexions (voir l’infographie).

En attendant, Pierre Lescure s’est déjà mis au diapason du gouvernement, agitant à qui mieux-mieux la menace la télé connectée :

Avec la télé connectée, le piratage sera inarrêtable. Dès lors que vous avez votre écran plat, en quatre clics, vous vous pointez sur un site de téléchargement gratuit.

En ligne de mire, Google, Apple et consorts, dont les petits boîtiers qu’ils ambitionnent de connecter à la lucarne de tous les Français font trembler TF1, M6 et Canal+. Le jeu ne se fait pas à armes égales. Car en contrepartie de l’acquisition du précieux droit à émettre remis par le CSA, l’ancien monde du PAF doit s’acquitter de certaines contreparties : respect du pluralisme politique ou bien encore contribution au rayonnement (par la mise en place de quotas) et au financement de la création française. Tribut auquel échappent encore les acteurs du Net. Qu’ils s’appellent YouTube, Netflix ; qu’ils soient des internautes lambda ou pire, qu’ils rentrent dans la catégorie “illégal”.

Le rêve serait donc de parvenir à enfin taxer les grands noms du web américain. Ambition dans laquelle la Culture comme l’Industrie se retrouvent, Bercy espérant rompre le cercle vicieux de ce qu’on désigne généralement par la “taxe Google”, sur laquelle la France se casse les dents, en mettant en place un large dispositif fiscal à l’encontre des géants du réseau.

Mégacolosse de la mort

D’autres néanmoins estiment que le rapprochement de l’Arcep et du CSA pourraient aller bien plus loin. Et avoir des conséquences bien plus néfastes pour les internautes.

La Quadrature du Net s’élève par exemple contre un projet qui risque de virer en “ORTF 2.0″ :

Le CSA régule la diffusion de contenus, de façon centralisée, par des acteurs commerciaux.
Tenter d’imposer le même type de règles à la multitude d’acteurs, commerciaux et non-commerciaux, qui constituent le réseau décentralisé qu’est Internet, dans lequel chacun peut consulter, mais également publier des contenus, est une aberration.

Tout dépendra donc de la méthode de fonctionnement choisie au sein de ce mégacolosse régulateur. Et de qui gagnera le bras de fer déjà en train de se jouer entre l’Arcep et le CSA, Internet et l’audiovisuel.

Du côté de Michel Boyon, les exigences sont déjà très claires :

La [...] condition pour un tel rapprochement est qu’il garantisse la suprématie des contenus par rapport aux tuyaux. Ce qui compte dans notre pays, c’est ce que l’on fait circuler dans les réseaux. La technique doit être mise au service des programmes. Et non l’inverse.

Si cette vision s’impose, elle signera l’émergence d’une redoutable pieuvre régulatrice. Aux dimensions déjà peu à même d’épouser la complexité du Net, mais aux ambitions bien plus redoutables : tenter de le contrôler. En y apposant un filtrage serré des contenus susceptibles d’y circuler, un jugement strict de leur qualité afin d’assurer, comme le souhaite Michel Boyon, le “respect de la protection de l’enfance ou des consommateurs.” Bref un foutoir lourdingue et loufoque, plus de vingt ans après l’avènement du Net grand public.

Fort heureusement, cela n’arrivera pas. C’est Fleur Pellerin qui le dit, assurant que son gouvernement est “opposé à la surveillance généralisée et au filtrage. [...] La question n’est pas de limiter la liberté d’expression et les capacités d’innovation liées à la neutralité du Net. “ Nombreux sont ceux qui y veilleront.


Pour s’y retrouver dans ces autorités du Net aux noms alambiqués, cette infographie détaille les missions (cliquer sur les boutons pour en savoir plus), le mode de nomination (cliquez sur “direction”), l’effectif et le budget du CSA, de l’Arcep, de la Cnil et de l’Hadopi.


Illustration et couverture par Cédric Audinot pour Owni ~~~~~=:) Téléchargez là ! ~~~~~=:)
Double couverture via Mystery in Space !

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Mark Suppes, l’homme qui fusionne des atomes dans son garage http://owni.fr/2011/04/03/mark-suppes-lhomme-qui-fusionne-des-atomes-dans-son-garage/ http://owni.fr/2011/04/03/mark-suppes-lhomme-qui-fusionne-des-atomes-dans-son-garage/#comments Sun, 03 Apr 2011 12:41:48 +0000 Stéphanie Vidal http://owni.fr/?p=54820

Mark Suppes et son Fusor.

Musique, voyages et fusion nucléaire

Depuis l’été 2010, Mark Suppes doit souvent rassurer les voisins de l’entrepôt qu’il a investi à Bedford–Stuyvesant : “ne vous inquiétez pas, je ne ferai pas exploser Brooklyn.” Les travaux de ce trentenaire hyperactif, chercheur obsessionnel et entrepreneur compulsif inspirent tantôt la crainte, tantôt l’espoir mais toujours l’étonnement car son petit hobby et sa grande passion, c’est la fusion nucléaire.

Un soir de juin dernier, Mark Suppes est prêt à mettre en route son Fusor, ou plus précisément son Farnsworth-Hirsch Fusor du nom d’un autre autodidacte dont les bidouillages ont conduit aux premières expérimentations en fusion nucléaire et à l’invention de la télévision. Ce Fusor, Mark l’a construit lui-même à partir de pièces détachées qu’il a majoritairement achetées sur eBay.

Le Fusor est un petit réacteur à fusion qui fonctionne selon le procédé de confinement électrostatique. Le nom est barbare mais la méthode est assez simple : on injecte dans une chambre à vide les atomes de deutérium qui serviront de combustible, on augmente le courant électrique afin que les atomes deviennent ionisés formant ce que l’on nomme un plasma. Ce plasma se trouve alors confiné dans le centre de la chambre à vide et si l’on a un peu de chance des atomes se rapprochent et la fusion prend.

Et ça a pris ! A la suite de l’expérience, la capsule de fluorine scotchée sur la paroi du réacteur porte les stigmates du passage d’un neutron émis lors d’une fusion. Même s’il ne va pas faire sauter New York, il n’est pas illogique de s’inquiéter de la dangerosité du dispositif :

Dans cette installation, c’est le courant à haute tension alimentant le réacteur qui est le plus dangereux. Quand on s’attelle à la fusion, il y a quand même quelques précautions à prendre et des consignes de sécurité à suivre. Pendant l’expérience je me suis éloigné du réacteur afin d’éviter les neutrons ou les rayons X, même s’ils ne sont émis qu’en faible quantité.

La minuscule bulle d’air prisonnière de la fluorine atteste que la réaction a bien eu lieu et intronise Mark dans la communauté restreinte des amateurs ayant réalisés une fusion atomique. Déjà en 2006, Thiago Olsen – alors âgé de 17 ans – avait mis en émoi l’équipe enseignante de son lycée et le département de la santé du Michigan en réalisant une fusion dans le labo de physique. Mark est le trente-huitième mais n’est déjà plus le dernier membre en date. C’est que la liste a tendance a rapidement s’allonger.

Fusion vs Fission

Force est de constater que la fusion fascine. Sur la plateforme fusor.net, les “fusionnistes” se retrouvent pour partager méthodes, plans et projets. La communauté grandit lentement mais sûrement et des clubs bourgeonnent désormais dans les garages du monde entier. Les amateurs mènent leurs propres expériences en parallèle de celles des scientifiques – les vrais, les durs – qui tentent depuis les années 1950, de dompter les atomes autrement.

Pour remettre tout cela en contexte, la fission est tout comme la fusion, une réaction nucléaire. La fission consiste à briser un atome lourd tel que l’uranium ou le plutonium en atomes plus légers. À l’inverse la fusion, se produit quand deux atomes légers comme l’hélium, le deutérium ou tritium (isotopes de l’hydrogène) s’assemblent pour former un atome plus lourd.

Aujourd’hui, nous savons comment casser des noyaux atomes pour produire massivement cette énergie que nous utilisons avec gloutonnerie. Toutefois, l’histoire et l’actualité du Japon nous obligent à regarder la vérité en face : nous brisons bien plus que des atomes, que nous cherchions délibérément à nuire ou que nous persistions vainement à nous croire maîtres et possesseurs de la nature.

Les États sont souverains dans le choix de leurs options énergétiques et les politiques en œuvre sont très contrastées à l’échelle mondiale : certains n’ont pas eu à se poser la question, d’autres ont pris la décision de s’en passer, d’autres encore de tenter de s’en passer, et les derniers, lourdement équipés, vont certainement devoir prendre leur responsabilités. La France avec ses 80 % d’énergie provenant du nucléaire – un triste record mondial – fait partie de ceux-là.

Ces derniers temps, les dangers de l’énergie nucléaire nous sont cruellement rappelés chaque fois qu’une information émane de la centrale de Fukushima, faisant de la recherche d’autres moyens de production énergétiques autant une nécessité qu’une gageure.

À l’instar de Mark Suppes, un nombre croissant de spécialistes pensent qu’une des meilleures alternatives au nucléaire n’est autre que le nucléaire. Ils voient ainsi dans la fusion un moyen à long terme de remplacer la fission.

Lorsque j’ai découvert sur YouTube une conférence sur la fusion nucléaire donnée par Robert Bussard lors d’un Google Talk en 2006 [vidéo, en], j’étais entrepreneur depuis dix ans. Tout ce que j’avais tenté de mettre en place avait échoué au fil des années. Je ne cherchais pas spécialement à me lancer dans un nouveau projet mais j’étais curieux et bien disposé. En l’écoutant j’étais fasciné : il parlait d’énergie nucléaire abondante, propre et à faible coût. Sa méthode s’opposait non seulement à la fission tout en divergeant des recherches actuellement en cours dans le domaine de la fission. Tout ce qu’il disait m’a semblé vraiment plausible. Même si à ce moment là je n’y connaissais strictement rien en physique, son discours faisait sens. J’y ai vu la première idée véritablement excitante dans le domaine de l’énergie.

Sur le papier – car ce sont bien de vieilles feuilles jaunies que Robert Bussard a projeté lors de cette intervention – l’idée est séduisante, élégante et dissidente. En effet il existe en théorie plusieurs types de combustibles utilisables, de réactions possibles et de méthodes envisageables pour bâtir les réacteurs qui les contiendraient.

Au-delà de ces divergences sur lesquels nous reviendrons, les pro-fusion se retrouvent sur les grandes lignes quand il s’agit d’argumenter. Ils vantent les avantages du contrôle de la fusion nucléaire pour la production d’électricité en les confrontant à celui de la fission et de toutes les nocivités qui la caractérisent.

À quantité de combustible égale la fusion serait bien plus puissante ; elle engendrerait trois à quatre fois plus d’énergie que la fission. Il y aurait suffisamment de combustible pour combler nos besoins énergétiques pendant quelques centaines de milliers d’années et, en fonction du combustible sélectionné, il n’y aurait pas ou peu de déchets radioactifs. Pour couronner le tout, la fusion ne ferait pas encourir des risques de réactions en chaine incontrôlées et incontrôlables.

La raison pour laquelle l’ensemble est au conditionnel, c’est que tout cela reste purement théorique. Les bémols sont nombreux car si la fusion de noyaux atomiques est un phénomène anodin dans le soleil et les étoiles qui constellent le ciel, ce n’est pas du tout le cas sur notre bonne vielle Terre.

La possibilité d’un réacteur

Quand on demande à Mark comment fonctionne la fusion nucléaire sa réponse surprend par sa franchise, et peut-être est-ce son statut d’amateur qui le dispense de langue de bois :

On me pose souvent cette question mais je suis bien embêté quand il s’agit d’y répondre. Je suis capable de vous expliquer comment marche un Fusor qui permet d’aboutir à une fusion, et j’ai ma petite idée sur le mécanisme d’un Bussard qui fournirait de l’énergie grâce à la fusion… Mais ni moi, ni personne ne sait vraiment comment ça fonctionne… D’ailleurs, le véritable problème est là : ça ne fonctionne pas ! Si j’étais capable de construire une machine permettant de générer et d’utiliser de l’énergie grâce à une fusion nucléaire je la construirais en ce moment même. Pour le moment nous ne savons pas la mettre en œuvre, mais nous ne cessons d’y tendre par nos expériences.

Quand Mark dit “on”, c’est à la communauté des passionnées qui bricolent dans leur garage qu’il fait référence mais à l’ensemble des fusionnistes mettant dans le même panier les amateurs et les scientifiques qui planchent depuis des dizaines d’années sur la construction de réacteurs de fusion thermonucléaire.

Le contrôle de la fusion nucléaire est perçu comme un enjeu considérable et nombreuses sont les nations de par le monde investissant temps et argent dans sa recherche et son développement. Cette recherche, comme nous l’avons dit précédemment, s’engage dans plusieurs directions. Celle qui a le vent en poupe auprès des gouvernements s’incarne dans les Tokamaks, des immenses structures expérimentales de confinement magnétique visant à contrôler le plasma. À ce sujet, le projet ITER est exemplaire et l’on note au passage que trois jours après l’accident de Fukushima la plateforme science.gouv.fr republiait un dossier datant de 2008 intitulé La fusion contrôlée, le rêve du nucléaire propre.

Ce Réacteur Thermonucléaire Expérimental International en construction à Cadarache dans le sud de la France a pour objectif de “démontrer la faisabilité scientifique et technologique de l’énergie de fusion, et d’ouvrir ainsi la voie à son exploitation industrielle et commerciale”. France, Japon, Chine, Corée du Sud, Russie et États-Unis sont engagés depuis des années, l’Inde a rejoint un peu plus tard, le Brésil et le Kazakhstan ne demandent qu’à rallier l’équipe déjà constituée.

Cette “expérience scientifique à très grande échelle” à un coût proportionnel. Estimée à 12,8 milliards d’euros pour la construction, 5,3 milliards pour les vingt années d’exploitation, 280 millions pour la période de cessation d’exploitation et 530 autres millions d’euros pour le démantèlement : la note prévisionnelle d’ITER est salée et le sera peut-être encore plus.

Un joli rêve

Si la théorie est communément admise, c’est encore sa faisabilité technique qui est testée avec ITER, en faisant donc un prototype et non pas un véritable réacteur capable de produire de l’énergie. La fusion nucléaire implique de grandes contraintes que nous ne savons pas encore résoudre.

Par conséquent, les attaques fusent. Il faut d’abord convoquer de grandes quantités d’énergie afin de déjouer les forces qui repoussent naturellement les noyaux atomiques les uns des autres et rapprocher suffisamment les atomes pour provoquer une fusion. Bien plus d’énergie que la fusion ne génère en retour. Le fameux “break-even”, le point de rentabilité énergétique, se dérobe encore.

Un Tokamak n’est pas non plus capable de produire la quantité de chaleur adéquate pour qu’opèrent des réactions aneutroniques de type PB-11 (Proton – Boron 11). Les réactions envisageables impliqueraient du deutérium et du tritium libérant des neutrons à grande vitesse. Il faudrait donc parvenir à constituer des matériaux spécifiques pour bâtir des enceintes de confinement capables de résister aux flux de ces neutrons et espérer que les bobinages supraconducteurs seront capables de tenir le choc pendant la durée de vie du réacteur, ce que des scientifiques comme feu Pierre-Gilles de Gennes mettent en doute.

Enfin, beaucoup blâment les sommes investies dans ces projets perçus comme “des gouffres à fric” monumentaux et pensent que si jamais les machines atteignent un jour le point de rentabilité énergétique, elles ne parviendront jamais celui de rentabilité économique.

Pour résumer, si parvenir à construire les structures et à rassembler les conditions adéquates pour générer une fusion relève de l’exploit dans un garage, sa mise en œuvre industrielle n’est clairement pas pour demain. Personne n’oserait fanfaronner en annonçant une date précise pour une production significative d’énergie par ce moyen. Nombre de scientifiques ayant connu avec enthousiasme les débuts de la recherche en fusion nucléaire s’en sont détournés, abandonnant ce “joli rêve qui n’est pas prêt de se réaliser » pour reprendre une phrase de Georges Vendryes (directeur honoraire des applications industrielle du CEA) à propos d’ITER.

Le Tokamak de Varennes, une initiative canadienne qui s'est finie en 1999.

Les Tokamaks et la volonté de Bussard

Robert Bussard était lui aussi très critique envers les Tokamaks. Il blaguait qu’en quarante années de recherche, le seul enseignement qu’on avait pu en tirer était qu’ils ne fonctionnaient pas. Il est tout aussi sévère envers les gouvernements investissant à tire-larigot dans cette technologie. Il avait d’ailleurs salué l’initiative du jeune Thiago Olson : “Ce gamin étudie de la physique bien plus utile que celle pour laquelle le gouvernent américain dépense des millions.”

Mais contrairement à Georges Vendryes et tant d’autres, Bussard n’a jamais cessé de croire qu’il arriverait à réaliser son rêve de son vivant. Plus qu’un projet de laboratoire, la fusion était pour lui la quête d’une vie. Il s’est battu jusqu’à son dernier souffle, mais sans succès, pour trouver des financements essentiels à la construction de son réacteur communément appelé Bussard ou Polywell.

Né dans les années 20, Bussard a dévoué sa vie entière à la fusion, rêvant aux grands projets que celle-ci pourrait fournir à l’humanité : une énergie propre et propice aux missions spatiales. Malheureusement pour lui, ses projets ont souvent suscité plus d’engouement dans le monde de la science-fiction que dans celui de la science ; dans Star Trek tous les vaisseaux sont équipés d’un Collecteur Bussard les propulsant grâce à la fusion d’atomes d’hydrogène directement prélevés dans l’espace interstellaire.

Une décennie plus tard, il s’active sur des Tokamaks pour le gouvernement américain mais abandonne l’affaire, désenchanté. Pour le bon mot, il dira que c’était perdu d’avance : travailler sur des plans russes en pleine guerre froide était forcement une mauvaise idée. Il monte alors sa propre entreprise, EMC2, afin de se consacrer à la construction d’un réacteur alternatif : ce fameux Polywell.

Même s’ils tendent vers le même but, les Tokamaks et les Bussards ne s’appuient pas sur les mêmes procédés explique Richard Nebel [en], dirigeant de EMC2. Le Bussard est un réacteur hybride utilisant à la fois confinement magnétique et électrostatique tandis que les “les Tokamaks sont des instruments qui n’emploient que le confinement magnétique. L’avantage de notre système c’est que nous obtenons facilement de très hautes températures. Par contre, nous luttons pour avoir de fortes densités, ce qui n’est pas un problème pour les Tokamaks : ce qui est difficile pour nous est simple pour eux, et vice versa. Mais nous pensons que notre concept est bien meilleur et ce pour plusieurs raisons : ce système hybride utilise le PB-11 (Proton – Boron 11) comme combustible et qu’il ne produit aucun matériel radioactif. Il est compact et peu onéreux à développer et à exploiter – il ne requiert pas d’énormes budgets de développement comme c’est le cas pour les Tokamaks.”

Une fois encore tout est question de proportions : plus petit qu’un Tokamak le cœur d’un Polywell mesurerait quand même 3 mètres de diamètre ; moins cher qu’un Tokamak, il implique quand même de pouvoir poser 200.000 dollars sur la table.

Pendant près de onze ans, c’est l’US Navy qui a financé les recherches de Bussard mais son silence sera une des conditions sine qua non du deal : le scientifique ne publiera rien sur ses avancements pendant toute cette période. Bussard enchaîne essais et erreurs, ses ressources s’amenuisent. Elles arrivent à leur terme quand sa dernière machine s’autodétruit. Le labo est démantelé faute de budgets. En lisant a posteriori les données de cette ultime expérience Bessard est persuadé qu’il a touché au but.

Il n’a alors plus qu’une obsession : trouver des investisseurs. Nous sommes en 2006, Bussard sort de l’embargo imposé par la Navy et présente ses recherches à des colloques et même à l’occasion d’une Google Talk qui sera filmée et postée sur Youtube. En appuyant sur play, Mark Suppes va complétement changer de vie.

La rencontre

L’étrange rencontre de Suppes et Bussard aussi peu probable qu’elle soit (entre un profane et un scientifique, entre un vivant et un défunt) n’est a posteriori pas si étonnante. Les deux hommes partagent certains traits de caractère.

Ils ont en commun la patience et le calme pour supporter la pression des dysfonctionnements et des échecs, l’ambition et la volonté d’aller toujours plus loin dans leur travaux, la confiance si ce n’est la foi dans leur projet pour tolérer les ricaneries et les découragements passagers, l’humilité et l’abnégation essentielles pour se savoir toujours ignorant et en quête, le verbe piquant pour contrer les attaques ou les provoquer, l’impérieuse nécessité de poursuivre une grande idée et de s’engager viscéralement pour tenter de la mettre en œuvre.

Je suis parvenu à faire une fusion en construisant un Fusor mais je veux désormais passer à l’étape suivante en construisant un Polywell, qui n’est finalement qu’une version améliorée du Fusor.

Mark poursuit donc désormais les travaux et les rêves de Bussard. Pourtant rien ne le destinait vraiment à s’impliquer corps et âme dans le domaine de la fusion nucléaire.

Quand j’ai vu cette vidéo, je n’ai pas pu m’empêcher d’y penser. C’est devenu une obsession. Pendant un mois je n’ai pas arrêté d’en parler à mes amis et j’ai fini par ouvrir un blog. Je pensais qu’il n’y aurait qu’un post, un seul et unique. Puis je me suis mis à désigner, via un logiciel CAD, un réacteur à fusion en métal qui pourrait être imprimé via une imprimante 3D. À ce moment là, j’ai su que j’étais complètement pris par ce projet et que je ne pourrais pas revenir en arrière.

Son blog [en] fait partie intégrante de sa recherche, à la fois carnet de bord et plateforme d’échange. Il y poste ses idées et ses avancements. L’ensemble de son projet est open source. Tout un chacun peut ainsi avoir accès à ses codes, ses plans, ses idées et ses doutes mais aussi lui donner des avis ou des conseils. “Je sais que de véritables scientifiques lisent mon blog, explique-t-il, certains même me laissent des commentaires. Pourtant je ne sais pas vraiment ce qu’ils en pensent. Pas forcément du bien, cela doit être assez désagréable de voir un amateur disqualifier vos efforts.

Un amateur qui commence à être assez spécialisé donc ! Son agenda est déjà défini et n’a rien à envier à celui des vrais scientifiques.

Je réplique actuellement une expérience menée par une équipe de chercheur australiens. Joe Khachan [en] a construit un réacteur Bussard à bobines de cuivre. Je m’y essaie à mon tour et mène des essais cinétiques. J’envisage d’ailleurs d’écrire un papier à ce sujet et j’espère qu’il sera publié par une revue scientifique. Mais ce n’est qu’un pas parmi d’autres. C’est bien de se faire la main en reproduisant des choses qui ont déjà été faites avant de se lancer dans ses propres aventures. La prochaine étape, et pas des moindres, sera de mettre au point un réacteur Bussard agrémenté d’aimants supraconducteurs. Ce genre d’aimant est utilisé dans les Tokamaks. Si cela fonctionne je ne serai pas seulement le premier amateur mais le premier homme a en avoir créé un. L’idée n’est pas de moi mais personne n’en a jamais réalisé auparavant. J’ai déjà construit une Magrid en acier inoxydable (une sorte de polyèdre formé par des rouleaux de métal), il me reste à m’atteler aux bobines en cuivre. Grâce à ce procédé la fusion pourrait perdurer indéfiniment et nous pourrions l’étudier à volonté.

Mais Mark reste un amateur qui s’auto-finance et qui doit de fait mettre sporadiquement ses projets sur pause. Régulièrement, il lâche ses bobines pour le turbin : pendant les trois prochains mois, il développera des des applications web pour une boîte. Sa passion à un coût non négligeable, il lui avait fallu rassembler 35.000 euros pour construire son Fusor et avait obtenu presque 4.000 euros de la part d’investisseurs privés via Kickstarter [en].

L’amateur

Les avantages des uns sont les inconvénients des autres, et vice versa. L’image est pertinente quand elle met en exergue les différences entre un Tokamak et un Polywell et elle sied tout autant quand il s’agit de distinguer la posture du scientifique de celle de l’amateur. Chacun à ses contraintes, le scientifique a des deadlines, des objectifs fixés par d’autres, des financements appropriés, des résultats à présenter, des gens à satisfaire. L’autre n’est jamais vraiment considéré comme légitime et doit toujours faire ses preuves, s’interrompre momentanément quand le compte en banque est vide mais il sait parfois aller très loin avec des dispositifs qui ne coûtent rien et ne paient pas de mine. Il a aussi l’opportunité de choisir ses propres défis ce qui les rend généralement audacieux mais accessibles et souvent accomplis.

L’amateur a aussi l’opportunité de changer de posture, de “jouer” au professionnel. Mark souhaite par exemple publier dans des revues ne comportant que des textes de scientifiques. Si jamais cela se produisait nous serions ravis pour lui, mais personne ne pardonnerait à un professionnel de se comporter comme un amateur. L’amateur a un autre temps et un autre espace pour manœuvrer à sa guise : il jouit aussi des marges, des chemins de traverse, des sillons déjà tracés qu’il peut suivre ou qu’il peut bouder pour s’enfoncer dans les orées, n’ayant d’autres contraintes que son propre enthousiasme et sa curiosité.

Il ne faut pas oublier que les découvertes majeures ne sont pas arrivées par inadvertance mais parce que le scientifique confronté à cet évènement a eu les connaissances mais aussi le temps et la curiosité pour le considérer. La véritable chance de l’amateur c’est qu’il a le luxe de perdre du temps, le privilège d’attendre et sa véritable force, c’est qu’il est celui qui n’est jamais attendu.


Illustrations Flickr AttributionNoncommercial quinnums, AttributionNoncommercialNo Derivative Works Marylise Doctrinal et AttributionNoncommercialNo Derivative Works cstmweb

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