OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Revoilà le cyberterrorisme http://owni.fr/2012/11/14/cyberterrorisme-le-retour/ http://owni.fr/2012/11/14/cyberterrorisme-le-retour/#comments Wed, 14 Nov 2012 17:06:16 +0000 Pierre Alonso et Andréa Fradin http://owni.fr/?p=125975

Nathalie Kosciusko-Morizet en 2010 à Vilnius pour l'Internet Governance Forum (cc) V.Markovski

La loi contre la consultation des sites terroristes revient par la petite porte. Nathalie Kosciusko-Morizet (UMP) l’avait annoncé dans une tribune parue la semaine dernière dans Le Monde : elle propose de réintroduire ce délit par amendement.

En reprenant les dispositions suggérées par le précédent gouvernement : 2 ans d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende en cas de consultation habituelle de sites terroristes, sans motif légitime (journalisme, recherche universitaire, travaux de police).

Flashback

Petit retour en arrière. L’assaut contre Mohamed Merah à peine terminé, Nicolas Sarkozy annonce depuis l’Elysée sa volonté de lutter contre “les sites Internet qui font l’apologie du terrorisme”. A deux mois de l’élection présidentielle, un projet de loi [PDF] est déposé au Sénat par le Garde des Sceaux d’alors, Michel Mercier.

La loi contre les web terroristes

La loi contre les web terroristes

Le projet de loi sanctionnant la simple lecture de sites Internet appelant au terrorisme devrait être présenté demain en ...

L’article 2 punit alors “de deux ans d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende le fait de consulter de façon habituelle [un site internet] soit provoquant directement à des actes de terrorisme, soit faisant l’apologie de ces actes”. La sanction ne s’applique pas “lorsque la consultation résulte de l’exercice normal d’une profession ayant pour objet d’informer le public, intervient dans le cadre de recherches scientifiques ou est réalisée afin de servir de preuve en justice.”

Avec le changement de gouvernement et de majorité, le projet de loi prend la poussière au Sénat. Jusqu’en septembre, lorsque Manuel Valls, ministre de l’Intérieur frais émoulu, annonce une nouvelle batterie de mesures. Le projet de loi relatif à la sécurité et à la lutte contre le terrorisme est déposé au Sénat. Mais sans le délit de consultation.

Lors de son examen, le sénateur Hyest (UMP) propose de le réintroduire par amendement. Il reprend mot pour mot l’article rédigé quelques mois plus tôt par la majorité précédente. Contacté par Owni, il le justifie par l’existence de mesures équivalentes pour lutter contre les sites pédophiles.

Le cyberterrorisme par la petite porte au Sénat

Le cyberterrorisme par la petite porte au Sénat

Nicolas Sarkozy rêvait d'une loi sanctionnant la consultation de sites terroristes. L'actuel gouvernement n'a pas suivi. ...

L’amendement est rejeté, même si les sénateurs s’accordent sur l’importance de lutter contre le cyberterrorisme. Lors des débats, Michel Mercier le regrette, mais reconnait “que la réflexion n’était pas mûre.”

Antiterrorisme sur Internet

Nathalie Kosciusko-Morizet ne l’entend pas ainsi et le fait savoir : “le terrorisme doit être aussi pourchassé sur Internet” tonne-t-elle dans sa tribune. Dont acte. Deux amendements ont été déposés [PDF].

Outre les sanctions (deux ans de prison et 30 000 euros d’amendement), le texte proposé par l’ancienne secrétaire d’État à l’économie numérique “[permettra] la cyber-infiltration dans les enquêtes relatives à ce nouveau délit.” Depuis l’adoption de la loi dite LOPPSI en 2011, les autorités ont déjà la possibilité de participer “sous un pseudonyme” aux échanges sur des sites soupçonnés de provoquer des actes terrorisme ou d’en faire l’apologie.

Nathalie Kosciusko-Morizet semble donc décidée à entretenir sa flamme numérique. Chargée du dossier de 2009 à 2010, l’ancienne ministre entend réaffirmer et imposer son expertise sur le sujet. Dans la continuité des positions de Nicolas Sarkozy.

Interrogé par Owni, son entourage précise que l’amendement est de son fait, et non du groupe UMP. Elle fait d’ailleurs cavalier seul aux côtés d’autres députés de la même famille politique, dont Éric Ciotti, qui ont déposé un amendement similaire. Pas suffisamment encadré selon Nathalie Kosciusko-Morizet. Pour éviter une “censure” du Conseil Constitutionnel, elle préconise le “principe de proportionnalité”. L’exclusion de certaines profession et des mesures les plus liberticides de l’antiterrorisme, comme elle l’a détaillé cet après-midi en ces termes devant la commission des lois de l’Assemblée nationale :

organiser des dérogations pour les professions qui ont besoin d’aller sur ces sites (journalistes, chercheurs, services de police) ; écarter de la consultation l’application de certaines mesures pour les faits relevant du terrorisme (garde à vue supérieure à 48h, prescription de 20 ans, perquisition de nuit).

Interrogé sur les motivations de Nathalie Kosciusko-Morizet, son entourage indique encore qu’elle détaillera “sa philosophie sur le sujet” après la présentation des amendements à Manuel Valls, toujours en cours à l’Assemblée Nationale.


Photo de Nathalie Kosciusko-Morizet par Veni Markovski [CC-by] éditée par Owni

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87 000 prisonniers perdus http://owni.fr/2012/03/26/87-000-prisonniers-perdus/ http://owni.fr/2012/03/26/87-000-prisonniers-perdus/#comments Mon, 26 Mar 2012 07:55:13 +0000 Pierre Leibovici http://owni.fr/?p=103102 OWNI est parti à la recherche de ces prisonniers, pas perdus pour tout le monde. ]]>

Maison d'arrêt de la Santé. Paris Surveillants fermant la grille d'accès à la cour de promenade © Olivier Aubert/Picture Tank

C’est l’histoire d’un chiffre à succès. Répété à l’envi, du Front national à l’UMP, pour justifier la multiplication du nombre de prisons en France. Un chiffre qui impressionne. Et qui trompe. Ce chiffre, c’est celui des peines de prisons en attente d’exécution. Le ministre de la Justice, Michel Mercier, parle de :

87 000, au 31 décembre dernier

Donc 87 000 personnes en France dont la condamnation a été prononcée par un juge mais n’est pas encore appliquée. Bien plus que le nombre de places opérationnelles dans les prisons du pays, 57 213 au 1er mars 2012, selon le ministère de la Justice.

L’argument est imparable pour qui veut convaincre de la nécessité d’agrandir le parc carcéral français, à commencer par Marine Le Pen, qui préfère parler de “peines prononcées qui n’ont jamais été exécutées” ou de “peines qui ne sont jamais appliquées” plutôt que de peines “en attente d’exécution”. Avant de lancer cette proposition :

Créer dans les plus brefs délais, 40 000 nouvelles places de prison.

Mais la réalité des peines de prison en attente d’exécution est plus complexe. Seules 4,2% d’entre elles présentaient une durée supérieure à un an et deux mois en juin 2011. Un détail qui a son importance.

Petites peines

Car depuis la loi pénitentiaire n° 2009-1436 votée le 24 novembre 2009, les peines égales ou inférieures à deux ans d’emprisonnement – contre un an auparavant – sont aménageables, c’est-à-dire exécutables sous le régime de la semi-liberté, du placement à l’extérieur ou de la surveillance électronique. Si le seuil à un an reste malgré tout maintenu pour les personnes récidivistes, la loi pénitentiaire de 2009 a engagé une petite révolution en matière d’application des peines, avec pour but avoué le désengorgement des prisons.

La France carcérale

La France carcérale

Maison d'arrêt de Béthune, taux d'occupation carcérale : 216%. Faa'a Nuutania, Polynésie Française : 235%. Prison par ...

Une révolution qui n’a pas plu à tout le monde, et notamment au député Eric Ciotti. Dans son rapport sur le renforcement de l’efficacité des peines, il écrit ainsi que la possibilité d’aménager des peines inférieures à deux ans “n’est légitimement ni comprise, ni admise par la plupart de nos concitoyens”. D’où la proposition n°33 de son rapport visant à supprimer purement et simplement les avancées permises par la loi pénitentiaire de 2009.

La proposition n°33 n’a pas été retenue dans le projet de loi sur l’exécution des peines voté le 29 février dernier par l’Assemblée nationale et validé le 22 mars par le Conseil constitutionnel. L’avenir de l’aménagement des peines reste pourtant incertain.

En juin dernier, sur les 85 600 peines en attente d’exécution, plus de 82 000 étaient aménageables. Mais pas aménagées. Comme l’indique le rapport d’Eric Ciotti, seules “9 774 personnes bénéficient d’un aménagement de peine sous écrou” au 1er mai 2011.

Interrogée par OWNI sur cet écart entre les peines qui pourraient être aménagées et celles qui le sont réellement, la sénatrice Nicole Borvo, rapporteure du Projet de loi de programmation relatif à l’exécution des peines, a une explication simple :

Le passage devant le juge de l’application des peines [chargé de décider de l’aménagement d’une peine, NDLR] est beaucoup trop long en France. Des gens sont condamnés mais attendent des mois avant de savoir s’ils vont finalement aller en prison, les services d’application des peines sont débordés, bref, on manque de moyens.

Dans l’annexe du projet de loi sur l’exécution des peines figurent les mesures qui seront engagées pour “garantir la célérité et l’effectivité de l’exécution des peines prononcées”. L’augmentation des moyens accordés aux services d’application des peines arrive en dernière position, 400 postes devant être créés d’ici à 2017 dans les juridictions et les bureaux d’exécution des peines. La priorité est ailleurs dans le projet de loi : “porter la capacité du parc carcéral à 80 000 places”.

45 000 condamnations de plus

Plus largement, la construction de nouvelles prisons légitimée par le nombre de peines en attente d’exécution amène à une réflexion sur le sens des courtes peines. L’étude d’impact du projet de loi relatif à l’exécution des peines avouait elle-même que “les peines d’une durée inférieure ou égale à 3 mois constituent la moitié du stock des peines en attente d’exécution”.

De quoi rendre dubitatif le sénateur Jean-René Lecerf, qui s’exprimait ainsi lors de l’examen du projet de loi au Sénat :

Mais de quoi parle-t-on ? La moitié de ces peines en attente d’exécution sont égales ou inférieures à trois mois. Quelle est la signification d’une peine de trois mois ?

Et Nicole Borvo de renchérir :

Les courtes périodes d’incarcération n’ont aucun effet en matière de réinsertion. Elles n’ont aucune valeur ‘pédagogique’.

Pour la fermeture des prisons

Pour la fermeture des prisons

La prison n'a toujours pas atteint les objectifs fixés il y a plus de deux siècles. Elle reste le lieu de l'inhumain, de ...

Le poids de ces courtes peines est à mettre en parallèle avec l’augmentation des condamnations ces dernières années : 45 129 de plus au cours de la décennie 2000, d’après les chiffres de l’Insee. Une évolution dont tient compte le projet de loi sur l’exécution des peines puisque son “scénario le plus probable” prévoit l’augmentation de “2% par an en moyenne des condamnations à des peines privatives de liberté”.

Le 6 mars dernier, plus de soixante députés ont saisi le Conseil constitutionnel pour juger la conformité du projet de loi sur l’exécution des peines à la Constitution. Un texte que la Haute juridiction a finalement validé en l’état, la semaine dernière, le 22 mars. Les parlementaires ne l’attaquaient que sur les partenariats avec le secteur privé envisagés par la loi pour permettre de disposer des places supplémentaires.

Une décision qui résonne comme une excellente nouvelle pour les rois du BTP carcéral, Bouygues, Eiffages et GDF-Suez en tête, dont les Partenariats public-privé (PPP) sur 24 000 places de prison supplémentaires pourront représenter de beaux profits.


Photographie par Olivier Aubert / Picture Tank © tous droits réservés

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