OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Le verbe en campagne http://owni.fr/2011/12/15/le-verbe-en-campagne/ http://owni.fr/2011/12/15/le-verbe-en-campagne/#comments Thu, 15 Dec 2011 12:55:31 +0000 Claire Berthelemy http://owni.fr/?p=90672

Les gens veulent que leur histoire leur ressemble ou au moins qu’elle ressemble à leurs rêves.

Charles de Gaulle cité dans le discours de François Hollande.

La foule réunie autour de François Hollande scande “François, président” et régulièrement le martèlera pendant plus d’une heure. Nous sommes le 22 octobre dernier, soir de la convention d’investiture de l’ancien premier secrétaire du Parti socialiste. François Hollande s’inspire du discours qui lui a été écrit, use sans abuser de digressions, d’ajout de verbiage et d’envolées lyriques. Le verbe lent, la phrase courte, il harangue les militants. Décryptage d’un long discours.

De la data

Dans les pronoms utilisés par François Hollande, trois dominent : je, il et nous.

Mais utilisés différemment au cours du discours, on perçoit plutôt une alternance du je et du nous. Quand le candidat à la présidentielle n’utilise pas le je, il s’exprime à la première personne du pluriel. L’utilisation des pronoms, corrélée avec le temps, donne l’infographie suivante et met en évidence une alternance.
Dans le graphique, le violet correspond aux “moments” du discours où le je et le nous sont prononcés tous les deux, l’un plus que l’autre selon les moments. Par exemple, dans le cas le plus à droite en fin de discours, on peut entendre François Hollande prononcer 3 nous et 8 je.

Concernant les références (thématiques) employées dans son discours d’investiture, globalement, il reste très neutre et fidèle à sa volonté de faire de “l’éducation [sa] priorité”. Tel un ovni, le champs du rêve apparait neuf fois. Le rêve français – moqué à droite – est toujours en phase de réenchantement.

Il n’existe pas de réelles différences, significatives, entre les références ou notions utilisées et les substantifs. Reviennent à des positions quasi identiques France, français, gauche, jeunesse, croissance, président. Le candidat de la gauche déchirée par les primaires socialistes est là où on l’attend.

Lors de notre précédent article sur l’analyse sémantique des discours, ceux des candidats de la présidentielle de 2007, Ségolène Royal, candidate du parti socialiste, usait de la même manière que Nicolas Sarkozy de l’alliance des verbes vouloir et pouvoir. Cinq ans plus tard, François Hollande a mis de côté l’idéal méritocratique à tendance droite “quand on veut on peut”, pour laisser plus de place à l’agir avec les verbes “faire” et “venir”, les auxiliaires être et avoir mis de côté. Et l’ouverture sociale chère à la gauche est présente aussi, “permettre”, “proposer” et “donner” comme trois valeurs du socialisme.

À la découpe

Un peu moins de 6 000 mots pour à la fois remercier militants et élus, parler au “peuple français”, tacler la droite et Nicolas Sarkozy et présenter ses principes et ses engagements. Son discours mélange les références : mai 68, les Indignés d’aujourd’hui, les grandes figures de la gauche. Et en s’adressant au peuple français, il ratisse large :

J’ai entendu la plainte des ouvriers, brisés par l’injustice de décisions qui les frappent motivées par le seul profit. Des employés, qui expriment, parfois dans la honte, leur souffrance au travail, celle des agriculteurs qui travaillent sans compter leurs heures pour des revenus de misère, celle des entrepreneurs qui se découragent faute de pouvoir accéder au crédit, celle des jeunes qui ne sont pas reconnus dans leurs droits, celle des retraités qui craignent, après les avoir conquis, de les perdre. Celle des créateurs qui se sentent négligés. Bref, la plainte de tous ceux pour lesquels nous luttons, nous les socialistes.

Son discours est découpé en quatre parties inégales. Commençant par s’adresser au peuple français, il enchaine avec sa propre histoire et raconte la Corrèze et ses mandats. La transition qu’il utilise pour amener le sujet Président actuel, Nicolas Sarkozy, et la droite, passe… par la crise en Europe ou comment sauter d’un point de vue micro à une explication macro : l’Europe en berne est gouvernée par une droite “au pouvoir dans 21 pays sur 27″, Merkel et Sarkozy à la barre des accusés. L’avant-dernière étape de son discours est consacrée à un focus sur la France et la “prétention” du président sortant et son impuissance à régler la crise. Centré sur un seul homme.

Accablant Nicolas Sarkozy – de façon plutôt courte comparée au reste de son discours -, noyant son mandant sous les dettes chiffrées, la perte de confiance, les niches fiscales et les “promesses bafouées”, il change soudain de ton et de registre. Il accuse pour mieux exhorter et confier l’espoir qu’il a dans “une France d’aujourd’hui” et dans les Français qui la composent. Cette partie du discours, la plus longue, pendant qu’il expose ses différents “principes” et “pactes” (vérité, volonté, démocratie, éducation, etc.), laisse malgré tout en filigrane, une comparaison avec le constat – amer compte tenu du ton utilisé – qu’il fait du mandat de la droite de ces cinq dernières années. Et avec l’Europe, la France et la gauche pour clôturer son discours, le clap de fin “propose” et “donne rendez-vous”.

Pour celles et ceux qui seraient tentés, la vidéo :

Discours de François Hollande à la convention… par PartiSocialiste


Illustrations Marion Boucharlat et Geoffrey Dorne
Article réalisé avec l’aide de Birdie Sarominque pour la partie statistique.

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Le sens caché des discours http://owni.fr/2011/11/08/politique-sarkozy-elysee-presidentielle/ http://owni.fr/2011/11/08/politique-sarkozy-elysee-presidentielle/#comments Tue, 08 Nov 2011 07:35:26 +0000 Claire Berthelemy http://owni.fr/?p=84843 L’utilisation de logiciels d’analyse lexicale sur les discoursdes candidats à la présidentielle de 2007 met en évidence quelques surprises. Car l’analyse mathématique de leur langue, de leur parole au jour le jour, montre qu’ils abordent souvent des sujets éloignés des thématiques auxquelles leur personnalité publique est associée. À la veille de l’échéance de 2012, ce retour sur expérience devrait nous inviter à écouter avec distance les discours de la prochaine présidentielle.

Un peu comme si les règles du marketing politique gouvernant l’écriture des discours se trouvaient mises à nu. Confirmant l’impression que ces interventions – largement mises en scène dans les meetings – ne consistent pas à approfondir les thèmes que les candidats sont supposés incarner. Mais davantage, par de savants dosages, à séduire des électeurs qui ne se seraient jamais reconnus dans tel ou tel candidat.

Une gauche plus à droite

En traitant les discours avec un logiciel de text mining – technique statistique permettant d’automatiser le traitement de gros volumes de contenus texte, en isolant les tendances et les sujets évoqués par les candidats – trois des candidats à la présidentielle 2007 se détachent des autres. L’infographie ci-dessous (cliquez pour voir en grand format) répertorie visuellement les thématiques principales des orateurs. À l’image de leurs convictions, les discours sont plutôt représentatifs de leur vision politique du pays, à quelques exceptions près.

Pour Nicolas Sarkozy, les thématiques du travail, de l’école, des moyens, des enfants, de la République et de la morale sont majoritaires. Fidèle à sa vision du “travailler plus pour gagner plus” et de son idée d’une République méritocratique, son long discours aura eu tendance à noyer l’auditeur dans des valeurs républicaines, chères à l’hyper-président.

Malgré tout, le candidat du slogan “ensemble tout devient possible” est en lien avec celui qui s’est auto-proclamé candidat des maires de France, Gérard Schivardi. Notamment sur les questions concernant l’Europe et Maastricht et sur l’importance de l’école, et un peu plus à l’écart, l’importance des parents, de la démocratie et des droits. Schivardi se démarque par ailleurs sur le thème de l’égalité et… des amis. Contrairement à Jean-Marie Le Pen, opposé à Nicolas Sarkozy, dont les principales problématiques tournent autour de la nation, du peuple, de la victoire (notamment celle de Valmy cité quinze fois) et des Français.

Plus étonnant, la sécurité – ou l’insécurité – est une occurrence qui se retrouve souvent dans la bouche des candidats de l’extrêmegauche (Marie-Georges Buffet, José Bové et Olivier Besancenot). Et que Ségolène Royal utilise une dizaine de fois. La gauche abandonne ainsi certains de ses thèmes et intervient sur le sujet phare de l’ancien ministre de l’Intérieur.
Autre surprise de ce text-mining : en associant au sein de ce groupe “à gauche” différents mots, ressort “Ensemble tout devient possible” le slogan de l’UMP.

Diversité quantitative

Avec Tropes, autre logiciel d’analyse sémantique, le style du discours peut être défini et permet d’aborder le point de vue qualitatif de leur prose respective. D’abord le style diffère selon qui prononce son discours. Ensuite la répartition quantitative des noms, verbes et adjectifs n’est pas la même. La majorité des candidats de cette présidentielle-là a adopté un style argumentatif, défini par le logiciel, comme étant celui qui discute, compare ou critique. Les candidats étant majoritairement opposés à la droite en place, les critiques et la discussion sont la suite logique de leur argumentation.

Quand la narration prime dans le discours de Dominique Voynet, José Bové adopte lui un style descriptif et reste dans la position de constat. Quant à Nicolas Sarkozy, en position de force, il est le seul à user d’un discours énonciatif, soit “qui établit un rapport d’influence ou révèle un point de vue”.
Correspondant finalement à ce qu’il est possible d’observer en règle générale chez ces candidats ou au sein de leur parti.

Deux catégories de candidats se distinguent concernant l’utilisation des pronoms. Si Nicolas Sarkozy, Jean-Marie Le Pen et Ségolène Royal ont un langage plutôt centré sur le “Je” (à relativiser pour le cas de Ségolène Royal et Jean-Marie Le Pen qui couplent le Je et le Nous mais qui figurent tout de même juste derrière Nicolas Sarkozy), les autres sont plus modestes. Les premiers usant et abusant de la première personne du singulier. Je, donc.

Et ceux qui ont l’esprit d’équipe (José Bové, Dominique Voynet et François Bayrou) et s’expriment surtout avec la première personne du pluriel (Nous).

À noter que Dominique Voynet et José Bové n’utilisent que très peu la première personne du singulier.

Dans la catégorie nombre de mots : la palme d’or du candidat le plus prolixe est attribuée à l’actuel Président de la République, qui le 14 janvier 2007, Porte de Versailles, a tenu en haleine son auditoire avec 8 233 mots. Suivi de très loin par Ségolène Royal et son discours, prononcé trois jours après, qui comptabilise 4 045 mots. Soit la moitié. Sur la dernière marche du podium monte Jean-Marie Le Pen, qui le 20 septembre 2006 au moulin de Valmy, abreuve ses auditeurs de 3781 mots.

Viennent ensuite Gérard Schivardi, Dominique Voynet et François Bayrou avec respectivement 3 423, 2 289 et 1 812 mots. Quant à Olivier Besancenot et José Bové, leurs deux courts discours tiennent en 1 586 et 1 390 mots. Ou un cinquième et un sixième du discours de Nicolas Sarkozy.

Quand on veut, on peut

En triant le nombre de verbes par leur fréquence, être et avoir reviennent le plus souvent. Ensuite pour Olivier Besancenot et Gérard Schivardi, falloir et avoir remportent tous les suffrages. José Bové reste en marge avec être, vouloir et devoir dans son trio de tête.

Mais ce qui correspond le plus à ce que les candidats représentaient il y a cinq ans tient souvent en un seul verbe, le plus emblématique du personnage. Aussi, si le charismatique Jean-Marie Le Pen utilise sensiblement les mêmes verbes que ses concurrents de l’époque, son trait de caractère qui le différencie est incarné par… le verbe incarner.

De la même manière, Nicolas Sarkozy, Ségolène Royal et Olivier Besancenot (Gérard Schivardi également) ont en commun la notion du vouloir/pouvoir, à rapprocher de la maxime “quand on veut on peut” et d’un idéal méritocratique. Le trio José Bové, Dominique Voynet et François Bayrou sont plutôt dans le “faire” que le falloir.

Le mot de la fin

Dans certains discours, à l’exception de ceux José Bové, Ségolène Royal et François Bayrou, le seul nom propre est prononcé est… Nicolas Sarkozy. Un indice pour déterminer quel sera le prochain Président de la République : chercher dans les discours de candidature de la présidentielle 2012 qui est cité le plus par chaque candidat.


Données qualitatives traitées par Birdie Sarominque avec le logiciel DTMVic5.2 développé par Ludovic Lebart, ancien directeur de recherche au CNRS. Pour la méthodologie, le tri des données a été effectué en sélectionnant les occurrences supérieures à 7 pour chaque mot.

Infographie réalisée par Marion Boucharlat.

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I approve this message ! http://owni.fr/2010/11/03/i-approve-this-message/ http://owni.fr/2010/11/03/i-approve-this-message/#comments Wed, 03 Nov 2010 12:51:07 +0000 Ophelia Noor http://owni.fr/?p=34539 Alors que les élections de mi-mandat aux Etats-Unis s’achèvent sur une large victoire des Républicains à la chambre des représentants et que les démocrates conservent  leur majorité au Sénat il est intéressant de se pencher sur la guerre de l’image à laquelle se livrent les candidats, soutenus à coups de millions de dollars par les lobbies, les partis et les supporters des comités d’action politique.

Ces spots de campagnes publicitaires destinés au médium télévisuel et à classer pour certains au panthéon du LOL de la communication politique ne doivent pas nous détourner de la question du financement de ces campagnes de communication destinées aux électeurs.

2010, année du financement illimité

Ces spots de campagne sont pour la plupart financés par les Comité d’Action Politique (PAC – Political Action Committees) qui sont eux mêmes financés à travers  un système complexe de régulations des donations en fonction du statut  du PAC lui même (connecté ou non-connecté) et du donateur (individu, lobby, entreprise, syndicat…). Le PAC est surtout un intermédiaire entre la véritable source de l’argent et le candidat à l’élection.

Mais le 21 janvier 2010, l’arrêt de la Cour Suprême américaine Citizen United v FEC, achève de lever les dernières barrières rendant possible le financement illimité des campagnes de communication des candidats et donne naissance aux Super PAC, au grand dam des démocrates et du Président Obama qui avait qualifié le jugement de la Cour suprême de,

(…) major victory for big oil, Wall Street banks, health insurance companies and the other powerful interests that marshal their power every day in Washington to drown out the voices of everyday Americans

Ces dépenses de communication sont directement financées par les Super PAC. Ces derniers doivent déposer la liste de leurs donateurs auprès de l’autorité de régulation des élections (Federal Electoral Commission), bien qu’ils ne soient pas obligés de la divulguer avant le jour du vote. Ce qui rend plus difficile le travail de transparence mené par la même FEC ou des organismes indépendants comme la Sunlight Foundation.

Money, money, money !

Toute l’hypocrisie de cet arrêt tient au fait que si les contributions directes aux candidats sont toujours interdites, les corporations et les syndicats peuvent financer les campagnes publicitaires pour des montants illimités à travers ces supers comités d’action politique si ces derniers s’enregistrent en tant de “I.E-PAC” (Independent Expenditure) auprès de la FEC.

Rien de plus facile ! Il suffit d’en faire la demande par courrier… Et sans grande surprise, la FEC a été depuis submergée de lettres de demande d’enregistrement. La Sunlight Foundation Reporting Group s’est empressée de recenser au jour le jour ces demandes, dans une application consultable sur le site de leur enquête : Follow the Unlimited Money.

Citizen United a finalement permis à ces comités d’action politique de financer à la fois des spots de campagne en faveur d’un candidat mais aussi en opposition à son concurrent pour le même scrutin.  Et pour ajouter à la confusion, il sera nécessaire à l’électeur de distinguer les spots des équipes de campagne officielles et ceux de ces groupes extérieurs (outside groups) – qui par ailleurs peuvent les diffuser sans l’accord du candidat…

De cet imbroglio financier, politique et électoral, la rédaction d’Owni en a sorti une sélection lol des clips de campagne les plus marquants, de la sorcière au mouton démoniaque. Nous avons également réaliser pour RFI une application interactive permettant de visualiser les dépenses des candidats par état et partis : http://www.rfi.fr/ameriques/20101029-depenses-campagne-candidats-americains

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Tendance artillerie lourde

Pamela Gorman (Arizona) dans un spot 100 % NRA (National Rifle Association) se lâche :“Je suis une chrétienne conservatrice et une bonne tireuse”. Son but ? “Rendre chèvre la gauche” en quelques rafales à l’arme automatique !

Tendance Data

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Tendance mouton démoniaque

Un grand moment cinématographique, effet Koulechov et frissons garantis. C’est le favori de la rédaction.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Tendance Série télé

Dans la course au Sénat du Colorado, mention spéciale à la série Maison des horreurs (House of Horrors) montée contre le sénateur Ken Buck et en faveur du concurrent démocrate Michael Bennet. Le Colorado est l’état qui a bénéficié des dépenses les plus importantes des Comités d’Action Politiques (PAC) pour un total de $32,779,082.89

Tendance patriotes…professionnels !


Joe Miller, Alaska, candidat du Tea Party. “Cette élection c’est l’establishment contre nous ! Les politiciens professionnels pensent qu’ils sont de droit, qualifié pour prendre le pouvoir. Il est temps de leur montrer que c’est faux ! Votez pour un patriote professionnel !

Dale Peterson, Alabama : “J’ai été fermier, entrepreneur, flic et marine pendant la guerre du Vietnam, alors écoute !” Dale continue sont speech sur les racailles et les criminels, sa Winchester en bandoulière : “Nous les républicains valont mieux que ça !”

Tendance sorcellerie

Christine O’Donnell nous rassure : elle n’est pas une sorcière…elle est comme nous… ?!

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Tendance Do It Yourself

Cliquer ici pour voir la vidéo.

A voir aussi en DIY:

Le gouverneur Hakeem dans le Dakota Nord,

Doug Aden dans le Colorado

Tendance Soap Opera

Blanche Lincoln, dans l’Arkansas, vous demande de garder foi en elle malgré les discours des experts. Petite musique mièvre et vent dans les cheveux dans un décor champêtre…

Cliquer ici pour voir la vidéo.

crédits Flickr CC programwitch

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Civisme 2.0: ne pas voter? http://owni.fr/2010/03/15/civisme-20-ne-pas-voter/ http://owni.fr/2010/03/15/civisme-20-ne-pas-voter/#comments Mon, 15 Mar 2010 04:21:13 +0000 Thierry Crouzet http://owni.fr/?p=10077 Pour certains, s’abstenir est un manquement à ses devoirs de citoyen. D’autres estiment au contraire que refuser d’aller voter est une “insurrection civique” (cc Mélenchon). En l’absence d’un quorum, de prise en compte des votes blancs et compte tenu de l’abstention, il nous semble utile d’ouvrir le débat, qui agite aussi l’équipe de la soucoupe…


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Je n’ai pas voté une nouvelle fois et je ne voterai pas tant que la démocratie ne sera qu’un simulacre. J’ai dans Le peuple des connecteurs, et plus tard, exprimé des raisons théoriques pour ne plus voter (impossibilité de prévoir, impossibilité de contrôler la complexité, impossibilité de gouverner…), s’y ajoutent des raisons contestataires. Plus nous serons nombreux à ne pas voter, à refuser de choisir entre imbéciles et andouilles, mieux nous titillerons ceux qui effectuent encore ces choix stupides et qui nient notre liberté de choix. Un jour, un seuil d’abstention sera franchi qui fera s’écrouler un système représentatif exsangue.

Hier, dans le Languedoc, j’ai accompagné ma femme au bureau de vote. Elle a donné sa voix à Europe Écologie, c’est le choix que j’aurais fait si j’y avais été contraint. Non pas pour les plébisciter, mais pour me soustraire à leurs adversaires.

Dimanche prochain, ma femme aussi n’ira pas voter. Comment pourrait-elle choisir entre Frêche (extrême droite de type mitterrandien), UMP (extrême droite déguisée) et FN (extrême droite assumée) ? Elle ne votera pas et je suppose avec elle tous ceux qui ont choisi les Verts, le PS officiel ou la gauche dure. L’abstention devrait être en toute probabilité plus forte dans ma région.

Si les gens avaient du plomb dans la tête, il devrait en aller partout de même. Regardez les chiffres. Vous sommez les voix écologistes et Modem et vous arrivez au score de Bayrou en 2007, autour de 18%. Un hasard ? Je n’y crois pas. Parmi, ceux qui s’expriment, il y a 18 % de gens qui souhaitent une autre forme de politique. Et quand j’entends Cohn-Bendit se situer à gauche, je rigole.

Tu n’as rien compris. Si j’avais voté pour toi, et ma femme a voté pour toi, j’aurais voulu signifier mon rejet de la droite et de la gauche, mon rejet de l’ancien axe d’opposition. Alors quand tu t’allies avec ceux que je rejette, je ne peux pas te suivre.

Je me souviens d’une conversation en juin dernier, sur une terrasse parisienne, avec Sandrine Bélier, toute nouvelle eurodéputée écologiste. Je lui disais alliez-vous avec la gauche et c’est la mort. Elle me jura « jamais ». L’alliance, un an plus tard, vous l’avez déjà faite. Croyez-vous que les gens qui ont pu voter pour vous veulent de cette régression vers un programme commun ? Vous êtes bien comme les autres, seul le pouvoir vous intéresse… et ces petits avantages.

Alors on me dit que ne pas voter favorise le Front national. C’est quoi cette théorie ou plutôt cette rhétorique ? En 2002, au premier tour de la présidentielle : 28 % d’abstention. C’est peut-être beaucoup pour une présidentielle, mais on est loin des 53,5% des régionales 2010. Le Front national ne progresse pas avec l’abstention mais, comme l’abstention, avec l’inanité de nos politiciens. Ne confondons pas les causes et les effets.

Ne pas voter me paraît aujourd’hui la seule manière de militer pour une autre forme de politique. Ne pas voter n’est pas un désengagement, mais un refus des choix restreints qui nous sont offerts. Il faut ajouter au 18 % de ceux qui choisissent la troisième voix peut-être 30 ou 40 % de Français supplémentaires, ceux qui ne votent pas par dégout. La troisième voie est majoritaire en France et elle n’a aucun moyen de s’exprimer, sinon un jour, peut-être, par une insurrection généralisée.

Mais alors pourquoi personne n’arrive à incarner cette troisième voie ? C’est la seule question qui me paraît aujourd’hui intéressante. Bayrou tente et il sombre dans le narcissisme napoléonien. Europe écologie tente et s’acoquine avec la gauche. Rien de surprenant.

Cette troisième voie peut-elle être incarnée par un parti, par des candidats, par un présidentiable ? J’en doute. Si tous ces gens qui ne se reconnaissent plus dans la politique traditionnelle ont développé leur individuation, comme je le suppose, ils ne peuvent plus s’identifier à des totems tutélaires, ces doudous pour adulte, espèces d’individus transactionnels de pacotille.

La représentation absolutiste de nos démocraties n’est plus une forme qui convient à l’homme émancipé du XXIe siècle. Nous devons basculer vers une démocratie distribuée, une démocratie P2P, une démocratie de la responsabilité individuelle.

Utopie ? Préférez-vous le chaos qui se prépare quand les insatisfaits franchiront par leur nombre un seuil critique ? Nous changeons, le monde change autour de nous, la politique ne peut pas rester immuable, sinon de la fracture le sang coulera.

> Article initialement publié sur “Le Peuple des Connecteurs”

> A lire sur le sujet mais avec l’opinion inverse, les articles de Seb Musset: avant le scrutin, et après /-)

> Illustration empruntée à un blog sympa (lulz)

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